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Google / Viaticum, Luteciel, Versailles court of appeal, Decision of March 10, 2005

(The Court confirms the judgment of the civil court in Nanterre of the 13 october 2003)

FAITS ET PROCEDURE

Par jugement en date du 13 octobre 2003, auquel il est référé pour l’exposé des faits de la cause, le tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté des exceptions d’irrecevabilité de pièces rédigées en anglais, de mise hors de cause de la société Google France et de sursis à statuer, a rejeté les demandes de la société Google France tenant à l’annulation des marques des sociétés Viaticum et Luteciel pour défaut de caractère distinctif et non-exploitation, a dit que la société Google France avait commis des actes de contrefaçon des marques “Bourse des vols”, “Bourse des voyages" et BDV au sens de l’article L 713-2-a du Code de la propriété intellectuelle, a condamné la société Google France à payer aux sociétés Viaticum et Luteciel la somme de 70.000 euros en réparation du préjudice causé par l’usage illicite de leurs marques, a prononcé des mesures d’interdiction d’affichage et ordonné une publication, le tout sous astreinte en se réservant de la liquider, a rejeté le surplus des demandes des sociétés Viaticum et Luteciel ainsi que les demandes reconventionnelles de la société Google France, a ordonné l’exécution provisoire, a enfin condamné la société Google France au paiement d’une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du ncpc ainsi qu’aux dépens.

Par jugement en date du 8 mars 2004, le tribunal, après avoir constaté que la société Google France avait exécuté mais avec retard l’injonction sous peine d’astreinte contenue dans le précédent jugement, a liquidé l’astreinte à la somme de 14 000 euros et a condamné en outre la société Google France au paiement d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du ncpc, ainsi qu’aux dépens.

Le tribunal a ainsi considéré que les marques litigieuses étaient valides, dès lors qu’elles étaient totalement arbitraires par rapport aux produits et services désignés et qu’elles étaient effectivement exploitées.

Se référant ensuite à différents constats de l’Agence pour la Protection des Programmes (A.P.P), il a considéré que la contrefaçon était établie, dès lors qu’il apparaissait que la société Google France utilisait les marques des sociétés Viaticum et Luteciel dans des conditions telles qu’elle permettait à des concurrents directs de ces sociétés de proposer à des clients potentiels des produits et services désignés dans l’enregistrement desdites marques, sans qu’elle pût exciper de sa bonne foi ou de motifs technologiques auxquels il lui appartenait de remédier pour empêcher les annonces de tiers concurrents n’ayant aucun droit sur les marques.

Les premiers juges ont ainsi fait une distinction très nette entre l’activité de moteur de recherches de la société Google France qui n’était pas en cause et celle de vente d’espaces publicitaires qui seule était incriminée ici.

Ils n’ont pas retenu en revanche la substitution de produits, non plus que la publicité trompeuse, et ils ont estimé inutile d’examiner la concurrence déloyale alléguée dès lors qu’ils retenaient la contrefaçon.

La société Google France a régulièrement interjeté appel de ces deux jugements, respectivement les 24 octobre 2003 et 23 mars 2004.

Elle a, en préliminaire, insisté sur la spécificité de ses services de référencement “Premium Sponsorship” et “Adwords”, ce dernier subsistant seul actuellement, pour contester qu’ils puissent être comparés aux activités traditionnelles d’un régisseur, d’une agence-conseil en publicité ou d’un support publicitaire.

Elle a expliqué qu’elle ne procédait à aucun démarchage des souscripteurs et ne leur fournissait aucun conseil, se contentant de mettre à leur disposition un outil informatique dont ils étaient seuls juge de l’opportunité et de la pertinence du contenu et de leur faire quelques recommandations générales, comme de ne pas utiliser à titre de mots-clés les marques des tiers.

Elle a encore précisé que les mots-clés faisaient l’objet d’un traitement informatique totalement automatisé, interne au moteur de recherche et imperceptible aux utilisateurs,

Elle a considéré que dans ces conditions le régime de responsabilité des régisseurs, agences-conseils et supports publicitaires ne lui était pas transposable.

Sur le terrain de la contrefaçon, elle a noté que les intimées ne lui reprochaient plus, à la lumière des articles L 713-2, L 713-3 et L 716-l0 du Code de la propriété intellectuelle, que d’avoir vendu à différents clients les mots “bourse des vols”, “bourse des voyages” et “bdv” correspondant à leurs marques, de même que d’avoir permis l’affichage corrélatif de liens hypertextes commerciaux à destination de sites Internet concurrents sur les requêtes des mots précités, et que par ailleurs elles visaient l’article L 713-5 sans développer une quelconque argumentation à ce sujet.

Elle a soutenu que les mots-clés litigieux n’étaient pas utilisés à titre de marque et qu’ils étaient invisibles pour les utilisateurs du moteur de recherche et ne pouvaient donc les renseigner sur l’origine d’un produit ou d’un service.

Elle a contesté être l’auteur ou le co-auteur des faits de contrefaçon allégués.

Elle a en effet expliqué que le choix des mots clés, ainsi que le contenu des liens commerciaux et des sites vers lesquels ils renvoyaient, étaient sous la maîtrise exclusive des exploitants des sites référencés, elle-même n’intervenant pas dans la saisie des informations et ne participant pas non plus au contenu des sites référencés ; qu’outil statistique, le générateur de mots-clés se contentait d’indexer les requêtes le plus fréquemment inscrites par les utilisateurs de son moteur de recherche, mais qu’il n’avait pas pour but d’inciter les sites référencés à utiliser des signes protégés.

Elle a encore estimé qu’elle ne pouvait être tenue à une obligation de surveillance générale concernant la sélection des mots-clés, alors que la souscription à son programme Adwords était automatisée.

Elle a en outre fait valoir qu’elle ne tirait pas profit de la commercialisation des marques revendiquées et qu’elle ne pouvait pas être considérée comme le “représentant commercial” des sites incriminés.

Elle a encore nié avoir effectué des ventes de marques ou de mots-clés, avoir établi une équivalence avec les marques alléguées par le simple affichage des liens litigieux, avoir exploité des services en rapport avec ceux exploités par les intimées ou avoir substitué des services à d’autres.

Elle a considéré en conséquence que le référencement payant qu’elle avait mis en oeuvre ne saurait être constitutif d’une contrefaçon.

Sur le terrain de la faute, se présentant comme un prestataire de stockage au sens de l’article 6 alinéa 2 de la loi n2004-575 du 22 juin 2004, elle a considéré qu’elle n’en avait commis aucune, dans la mesure où les faits incriminés ne sauraient revêtir un caractère illicite manifeste et où elle avait désactivé tous liens commerciaux litigieux sur réclamation des sociétés intimées.

Elle a ajouté qu’elle ne pouvait avoir commis aucune négligence ou imprudence, dès lors qu’elle avait alerté a priori les exploitants des sites référencés d’avoir à respecter les droits des tiers et qu’elle avait mis en place une procédure d’alerte et de contrôle a posteriori de nature à faire respecter les droits des titulaires des marques.

Elle a soutenu que, contrairement aux allégations des intimées, elle avait désactivé les liens litigieux et qu’elle n’était pas responsable du fait que de nouvelles requêtes aient été entrées depuis qu’elle avait supprimé les précédentes.

Elle a en outre estimé qu’à supposer que son rôle fût comparé à celui d’une agence de publicité, elle ne saurait en tout état de cause être considérée comme ayant eu connaissance des faits incriminés.

Par ailleurs, elle a contesté tout acte de publicité trompeuse ou de concurrence déloyale de sa part.

A titre subsidiaire, elle a soulevé la nullité des marques qui lui étaient opposées, dès lors qu’elles étaient descriptives, qu’elles n’avaient acquis aucun caractère distinctif par l’usage et qu’elles n’étaient pas notoires.

Elle a en outre soulevé leur déchéance, aux motifs que la preuve d’une exploitation sérieuse et non équivoque n’était pas rapportée, que les dénominations litigieuses étaient exploitées à titre de nom commercial, de nom de domaine et de code d’accès au minitel et non en tant que marques, et qu’en tout état de cause, elles n’étaient pas exploitées pour les produits et services qu’elles visaient expressément.

Elle a enfin fait valoir que les intimées ne justifiaient d’aucun préjudice.

Elle a conclu en conséquence au débouté des sociétés Viaticum et Luteciel, et leur reprochant d’avoir médiatisé le jugement entrepris de manière outrancière, elle leur a réclamé le versement, ainsi qu’à la société Google Inc, de sommes de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du ncpc.

S’agissant de l’appel du second jugement dont elle a demandé la jonction, elle a reproché aux premiers juges d’avoir examiné des faits nouveaux dont les sociétés Viaticum et Luteciel les avaient saisis à tort, puis d’avoir dénaturé le sens des dispositions très précises et non équivoques de son jugement du 13 octobre 2003.

Elle a considéré qu’elle avait exécuté parfaitement et sans retard ledit jugement, en rappelant qu’elle avait déjà désactivé les liens commerciaux litigieux au lendemain de l’assignation et qu’elle n’était pas responsable des nouvelles requêtes.

Elle s’est donc opposée à la liquidation de l’astreinte et a demandé qu’en tout état de cause, celle-ci fût limitée à 9 000 euros.

Elle a sollicité une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du ncpc.

Les sociétés Viaticum et Luteciel ont reproché à la société Google France d’avoir sciemment vendu à différents clients les mots “bourse des vols” “bourse des voyages” et “bdv” correspondant à leurs marques et d’avoir ainsi permis l’affichage corrélatif de liens hypertextes commerciaux à destination de sites Internet concurrents.

Elles ont voulu pour preuve de l’activité de vente que la société Google France contestait, les déclarations de son préposé, Frank P., ainsi qu’un courrier électronique d’elle-même du 30 août 2002.

Elles lui ont reproché la reproduction à l’identique de leurs marques pour des produits et services du domaine du voyage, l’usage à l’identique de ces marques, ainsi que la substitution de produits.

A titre subsidiaire, elles ont estimé que la société Google France avait commis une faute engageant sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, en qualité d’agence de publicité pour avoir proposé leurs marques à la vente sous forme de mots clés, en qualité de régie publicitaire pour avoir accepté la diffusion de publicités d’annonceurs sous leurs marques, ainsi qu’en qualité de support publicitaire pour avoir diffusé une publicité dont elle ne pouvait pas ignorer le caractère contrefaisant, dès lors qu’elles-mêmes étaient de fidèles clients du programme Adwords.

A titre infiniment subsidiaire, elles ont fait reproche à la société Google France d’un manquement à son obligation de prudence et de vigilance, du fait de l’inefficacité des procédures d’alerte et de désactivation qu’elle avait mises en oeuvre,

Plus subsidiairement encore, elles ont fait grief à la société Google France d’actes de concurrence déloyale et d’agissements parasitaire caractérisés par un démarchage illicite et un détournement de clientèle, de même que d’actes de publicité trompeuse.

Par ailleurs, elles ont défendu la validité de leurs marques, et en particulier leur caractère distinctif qu’elles avaient acquis en tout état de cause par l’usage, leur caractère notoire et leur exploitation effective.

Elles se sont enfin expliquées sur les circonstances dans lesquelles le jugement entrepris avait été porté à la connaissance du public.

Elles ont conclu en conséquence à la confirmation du jugement du 13 octobre 2003, sauf à porter à 500 000 euros leur indemnisation et elles se sont opposées aux demandes reconventionnelles de la société Google France.

Elles ont en outre réclamé une nouvelle interdiction d’affichage sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée, une somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du ncpc, ainsi que le paiement par l’appelante des frais de constats réalisés par l’A.P.P.

Elles ont également conclu à la confirmation du jugement du 8 mars 2004 et, au motif que la société Google France continuait de proposer spontanément à la vente leurs marques comme mots clés, elles ont sollicité une somme de 205 500 euros à titre de dommages et intérêts, outre 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du ncpc.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2005.

La société Google France a demandé le rejet des conclusions déposées et des pièces communiquées par les intimées le jour de la clôture, ce à quoi celles-ci se sont opposées.

DISCUSSION

Sur la demande de rejet des débat :

Considérant que la société Google France, qui avait elle-même tardivement conclu le 4 janvier 2005, alors qu’elle avait été informée que la clôture, initialement fixée au 30 novembre 2004, et renvoyée au 11 janvier 2005 ne pourrait plus être de nouveau reportée, n’explique pas en quoi les conclusions déposées et les pièces communiquées le 11 janvier 2005 par les intimées auraient mérité réponse ;

Qu’il n’apparaît pas que ces conclusions et pièces aient été autre chose qu’une simple réponse aux conclusions de l’appelante du 4 janvier 2005 ;

Que le principe de la contradiction n’a donc pas été méconnu et qu’il n’y a ainsi pas lieu d’écarter des débats lesdites conclusions et pièces ;

Sur la jonction :

Considérant qu’il est de bonne justice que les appels des deux jugements soient jugés ensemble et qu’il convient donc d’ordonner la jonction des deux procédures enrôlées sous les numéros 03/7388 et 04/2214 ;

Au fond :

Considérant qu’il ressort des pièces soumises à la cour que, parallèlement à son activité gratuite de moteur de recherches, la société Google France a développé sur ses sites une offre payante de services publicitaires, selon deux programmes dénommés “Premium Sponsorship” et “Adwords”, ce dernier subsistant seul actuellement et étant seul en cause dans le présent litige ; que ce programme permet à des annonceurs, moyennant la réservation de mots-clés, d’apparaître sous forme de courte annonce comportant l’adresse de leur site Internet, sur la page de résultats de la recherche du moteur Google, dès lors qu’il existe une certaine concordance entre les mots-clés réservés par l’annonceur et ceux contenus dans la recherche demandée au moteur ; que les sociétés Viaticum et Luteciel se sont aperçues que des mots-clés reproduisant leurs marques renvoyaient à des liens commerciaux qui pointaient vers les sites Internet de leurs concurrents que ce fait a été constaté par l’A.P.P. ; que la société Google France, malgré ses affirmations, n’a réellement mis fin à cette situation qu’après le jugement du 13 octobre 2003 l’y enjoignant sous astreinte ;

Considérant que les sociétés Viaticum et Luteciel agissant à titre principal sur le terrain de la contrefaçon, il est préalablement nécessaire d’examiner les moyens de nullité de leurs marques présentés “à titre subsidiaire” par l’appelante ;

Sur la validité des marques :

Considérant que la société Viaticum est notamment titulaire des marques suivantes :
 “La bourse des vols”, déposée le 2 décembre 1994 sous le numéro 94547750 ;
  “La Bourse des Vols”, déposée le 27 septembre 1996 sous le numéro 96643826 ;
  “La Bourse des Voyages”, déposée le même jour sous le numéro 96643827 ;
  “3615 Bourse des Vols”, déposée le même jour sous le numéro 96643823 ;
  “3615 Bourse des Voyages”, déposée le même jour sous le numéro 96643824 ;
  “BDV” déposée le même jour, sous le numéro 96643828 ;
  “3615 BD V”, déposée le même jour sous le numéro 96643821 ;

Que la société Luteciel est quant à elle titulaire des marques suivantes :
  “bourse-des-voyages.com”, déposée le 24 février 1997 sous le numéro 97665214 ;
  “3615 Bourse des Vols” déposée le même jour sous le numéro 97665217 ;

Considérant que les premiers juges n’ont examiné que la validité de sept de ces marques et qu’il convient donc de s’interroger également sur celle des deux autres (“BDV" et “3615 Bourse des Vols”) ;

Considérant que la société Google France reproche à tort aux premiers juges d’avoir raisonné de façon abstraite, sans identifier les marques qu’ils entendaient protéger et sans respecter le principe de spécialité alors que les marques en cause sont clairement désignées dans leur jugement et qu’il résulte suffisamment de leur motivation qu’ils ont examiné la validité de ces marques, de même que leur contrefaçon pour les activités liées au tourisme et au voyage, seules en cause dans le présent litige ;

Considérant que la société Google France prétend que les marques litigieuses sont dépourvues de caractère distinctif, en ce qu’elles seraient descriptives de l’activité des sociétés intimées ;

Considérant que l’acronyme BDV n’a aucune signification particulière pour le consommateur moyen qui ignore que les initiales qui le composent sont l’abréviation de “bourse des vols” ou de “bourse des voyages” ;

Que s’il n’en était d’ailleurs pas ainsi, comme croit pouvoir le soutenir la société Google, ce serait que la marque est devenue notoire ;

Que dans les deux hypothèses, les marques BDV et 3615 BDV sont valides ;

Considérant que les sept autres marques contiennent toutes les termes “bourse des vols” ou “bourse des voyages” ;

Que les mots “vols” ou “voyages” sont certes descriptifs de I’activité des sociétés Viaticum et Luteciel, mais que tel n’est en revanche pas le cas du terme “bourse” qui s’entend de tout lieu où s’échangent ou se revendent certaines marchandises ;

Que dans le cas d’espèce, la qualification de bourse s’appliquerait au site Internet de la société Viaticum si, sur celui-ci, compagnies aériennes et “tour-opérateurs” vendaient directement leurs billets d’avion et leurs circuits touristiques aux passagers et touristes, la société Viaticum n’intervenant alors que comme prestataire technique et non pas comme agence de voyages relevant de la loi n°92-645 du 13 juillet 1992 ;

Que tel n’étant pas le cas, et le terme “bourse” n’étant pas destiné à désigner une agence de voyages même travaillant exclusivement sur Internet, c’est vainement que la société Google France soutient que les expressions “bourse des voyages” ou “bourse des vols” désigneraient une caractéristique de l’activité des sociétés intimées ;

Qu’a fortiori, ces dénominations ne sont, ni dans le langage courant, ni dans le langage professionnel, la désignation nécessaire, générique ou usuelle de l’activité d’agent de voyages, ainsi que le confirment les multiples attestations de professionnels du tourisme, selon lesquelles les termes de “bourse des voyages” ou “bourse des vols” ne sont pas utilisés dans leur secteur professionnel, sauf pour établir un lien avec l’activité de la société Viaticum ;

Considérant enfin, que c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont considéré qu’il était justifié d’une exploitation réelle et sérieuse des marques litigieuses pendant plus de cinq ans, étant ajouté que la société Google France était irrecevable, pour défaut d’intérêt à agir, à contester la validité des marques en ce qu’elles avaient été déposées pour des produits ou services autres que ceux liés aux activités touristiques, pour lesquels elle n’était pas actionnée en contrefaçon ou, en tout cas, n’était pas susceptible de l’être valablement, puisque les faits de contrefaçon allégués se situent exclusivement dans le domaine touristique ;

Qu’il convient donc désormais d’examiner ceux-ci, après avoir confirmé la validité des marques des sociétés intimées ;

Sur la contrefaçon :

Considérant qu’il y a reproduction de la marque au sens de l’article L713-2 du Code de la propriété intellectuelle, non seulement lorsque le signe reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant ladite marque, mais encore lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu’elles peuvent passer inaperçues aux yeux d’un consommateur moyen ;

Qu’il y a en revanche imitation de la marque lorsque sa reproduction est simplement partielle, et sa sanction suppose, conformément à l’article L 713-3 qu’il puisse en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public ;

Considérant qu’en l’espèce, il est attesté par les constats de l’APP qu’ont été utilisés les mots-clés “bourse de voyages”, “bourse des vols” et “bdv” permettant devoir s’afficher les liens commerciaux des concurrents des sociétés Viaticum et Luteciel ;

Considérant que ces mots-clés sont la reproduction des marques “BDV”, "la bourse des vols”, “La Bourse des Vols” et “la Bourse des Voyages”, dès lors que l’omission de l’article ou l’emploi de lettres minuscules ou majuscules sont des détails insignifiants aux yeux du consommateur moyen ;

Considérant qu’il y a initiation des autres marques dès lors que l’omission des chiffres “3615” ou des lettres “com” que tout consommateur rattache, les premiers à un service Minitel, les secondes à un service Internet, ne peut, surtout lorsque les signes contrefaisants sont employés sur l’un de ces moyens de communication, qu’induire le public en erreur sur les liens entre ces signes et les marques ;

Que la contrefaçon par imitation est pareillement établie, alors même que l’une des marques (3615 Bourse des Vols) est une marque semi figurative, la confusion dans l’esprit du public existant de la même manière ;

Qu’il s’ensuit que l’élément matériel de la contrefaçon est établi ;

Sur la responsabilité de la société Google France

Considérant que la société Google France tentant d’opérer une confusion entre son activité de moteur de recherches et celle de prestataire de positionnement payant, il est nécessaire de rappeler que c’est en cette seconde qualité et en elle seule que sa responsabilité est recherchée ;

Que sont dès lors vaines ses tentatives de se voir reconnaître le bénéfice de dispositions légales ou jurisprudentielles applicables aux intermédiaires techniques ;

Que de même, sont inopérantes ses explications techniques censées justifier son impuissance à empêcher les agissements répréhensibles de ses clients ou à faire cesser leurs conséquences dommageables ;

Qu’il n’existe en effet aucun cas de force majeure susceptible de l’exonérer de sa responsabilité, dès lors qu’il est avéré que deux autres prestataires dans le domaine du positionnement payant, les sociétés Overture et Espotting, confrontées à la même difficulté, ont su y remédier rapidement, et que la société Google France est parvenue, quoiqu’avec retard, à le faire également ;

Considérant qu’aux tenues de l’article L121-3 du Code pénal, il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ;

Que, conformément à l’article 339 de la loi n°92-1336 du 16 décembre 1992, les délits non intentionnels prévus par des textes antérieurs à l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal (ce qui est le cas de la contrefaçon de marque), ne sont constitués que s’il est rapporté la preuve d’une imprudence ou d’une négligence ;

Considérant qu’en l’espèce, l’intention frauduleuse de la société Google France, laquelle n’est pas l’auteur principal du délit, mais le complice par fourniture de moyens, ne peut résulter du seul fait que l’élément matériel est constitué ;

Considérant que la société Google France, qui ne peut opposer aux titulaires des marques contrefaites aucune contrainte économique ou technologique, laquelle résulte de son propre choix, a commis des fautes à trois niveaux ;

Considérant qu’en premier lieu, elle est fautive pour n’avoir effectué aucun contrôle préalable des mots-clés réservés par ses clients, et la simple invitation qu’elle leur adresse de ne pas préjudicier aux droits des tiers est une garantie illusoire ;

Que certes, la société Google France ne peut être tenue à une obligation de surveillance générale concernant la sélection de mots-clés par les exploitants de sites référencés et que par ailleurs, les marques des sociétés Viaticum et Luteciel sont faiblement distinctives ;

Qu’il n’empêche que la société Google France doit être en mesure d’interdire l’utilisation de mots-clés manifestement illicites, tels ceux qui sont contraires aux bonnes moeurs ou qui contrefont des marques notoires ou connues d’elle ;

Que dans le cas présent, elle connaissait ou aurait dû connaître les marques des sociétés intimées, lesquelles sont clientes de son programme Adwords et utilisent leurs marques dans le cadre de leurs campagnes publicitaires ;

Considérant qu’en second lieu, la société Google France, alors même qu’elle aurait légitimement ignoré que les sociétés Viaticum et Luteciel étaient titulaires des marques litigieuses, ne pouvait pas proposer dans son outil de suggestion de mots-clés l’achat des mots-clés “bourse aux voyages” ou "bourse de voyages” ou encore “bdv com”, sous prétexte qu’ils figuraient parmi les plus souvent demandés, sans s’être livrée à une recherche sérieuse des droits éventuels de tiers sur ces mots ;

Considérant qu’en troisième lieu, la société Google France avait l’obligation, dès lors qu’il lui était signalé l’utilisation de mots-clés frauduleux, de mettre un terme sans délai et complètement aux agissements contrefaisants ;

Qu’en fait, la société Google France, prétextant qu’elle ne pouvait pas interdire l’usage de mots tels que “vol"’ ou “voyage”, ce qui est vrai, a beaucoup tardé, ce qui a permis que, même après le jugement du 13 octobre 2003, il était encore possible à partir des mots-clés à peine modifiés (un singulier à la place du pluriel par exemple) d’entrer en contact avec les liens commerciaux des concurrents des sociétés Viaticum et Luteciel ;

Considérant que les fautes de la société Google France sont ainsi avérées et qu’elle ne doit donc pas être exonérée de sa responsabilité dans la contrefaçon commise ;

Sur le préjudice :

Considérant qu’outre le préjudice moral causé au titulaire de la marque qui existe du seul fait de la contrefaçon commise, celui-ci subit un préjudice économique constitué de la perte subie et du gain manqué ;

Que dans le cas présent ce préjudice économique est une perte de chance, dans la mesure où la société Viaticum n’avait aucune garantie que les internautes détournés vers d’autres sites seraient tous devenus ses clients ;

Que dans ces conditions, la méthode adoptée par les premiers juges pour évaluer le préjudice, en se fondant sur le volume global du tourisme en ligne, l’évolution du chiffre d’affaires de la société Viaticum et le taux d’utilisation du moteur de recherche Google, n’est pas critiquable ;

Que compte tenu de la durée des agissements contrefaisants, la somme de 70 000 euros allouée par les premiers juges, et alors que l’appelante ne prouve pas que le préjudice serait moindre et les intimées qu’il serait supérieur, indemnise exactement le préjudice subi ;

Considérant que s’il est exact que l’essentiel du préjudice est subi par la seule société Viaticum, les premiers juges ont pu, dès lors que les sociétés Viaticum et Luteciel agissaient solidairement et demandaient l’indemnisation d’un préjudice global, les indemniser de la sorte sans faire la part de ce qui devait revenir à l’une ou à l’autre ;

Et considérant que pour le reste, le jugement du 13 octobre 2003 doit être confirmé, les demandes subsidiaires des intimées devenant sans objet ;

Sur l’appel du jugement du 8 mars 2004 :

Considérant qu’aux termes du jugement du 13 octobre 2003 assorti de l’exécution provisoire, il était interdit à la société Google France d’afficher des annonces publicitaires au profit d’entreprises offrant les produits ou services protégés par les marques “bourse des vols”, “bourse des voyages” et “bdv”, lors de la saisie sur le moteur de recherches d’une requête reproduisant les marques précitées, et ce sous peine d’astreinte de 1 500 euros par infraction constatée passé le délai d’un mois à compter de la signification du jugement ;

Considérant que ce jugement a été signifié le 14 octobre 2003 ;

Considérant que s’il est exact qu’à la date du 15 novembre 2003, la société Google France avait supprimé les requêtes sur l’orthographe exacte des marques, il suffisait d’ajouter ou de retrancher un “s” final sur le mot-clé pour voir réapparaître les publicités des concurrents des sociétés Viaticum et Luteciel ;

Considérant que les premiers juges ont ainsi à juste titre considéré que la société Google France n’avait pas satisfait à l’interdiction, dès lors que le simple fait que le mot-clé soit au pluriel plutôt qu’au singulier ou inversement ne lui enlevait pas son caractère contrefaisant ;

Considérant qu’en revanche, le jugement doit être réformé en ce qu’il a liquidé l’astreinte à 14 000 euros, sans préciser le nombre d’infractions qu’il retenait ;

Que les chiffres de 137 avancés en première instance par les sociétés Viaticum et Luteciel, et de 449 aujourd’hui, ne sauraient en tout cas être retenus par la cour, dès lors qu’ils résultent de constatations non contradictoires ;

Que la cour s’en tiendra aux six constats dressés les 26,27, 28 novembre et les 1, 2 et 3ème décembre 2003 par l’A.P.P., pour liquider l’astreinte à 9000 euros ;

Considérant qu’il n’est pas démontré que les infractions persistent à l’heure actuelle et qu’il n’y a donc pas lieu de prévoir une nouvelle astreinte ;

Sur la demande reconventionnelle :

Considérant qu’il n’est pas démontré que les sociétés intimées soient à l’origine de la divulgation dans la presse du jugement entrepris, ni des commentaires auxquels il a donné lieu ;

Que les déclarations de M. D., dirigeant des sociétés intimées, que la société Google France reproduit dans ses conclusions, ne contiennent aucun propos mensonger ou particulièrement dénigrant, mais ne sont que la réaction légitime d’un homme qui vient de voir reconnu son bon droit ;

Qu’il convient donc de débouter la société Google France de sa demande, étant surabondamment observé que celle-ci était particulièrement irrecevable à former une demande au nom de la société Google Inc ;

Sur l’article 700 du ncpc et les dépens :

Considérant que la société Google France qui succombe pour l’essentiel, paiera une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du ncpc, outre les dépens en ce compris les frais de constat de l’A.P.P. ;

DECISION

La cour, statuant publiquement et contradictoirement :

. Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 03/7388 et 04/2214.

. Dit n’y avoir lieu à rejet des débats des conclusions déposées et des pièces communiquées par les intimées le 11 janvier 2005.

. Confirme le jugement du 13 octobre 2003 en toutes ses dispositions.

. Réforme le jugement du 8 mars 2004 quant au montant de l’astreinte liquidée.

Statuant à nouveau,

. Liquide l’astreinte à la somme de 9.000 euros (neuf mille euros) et condamne la société Google France à payer cette somme aux sociétés Viaticum et Luteciel.

. Confirme les dispositions non contraires du jugement.

Y ajoutant,

. Condamne la société Google France â payer aux sociétés Viaticum et Luteciel une somme de 10.000 euros (dix mille euros) au titre de l’article 700 du ncpc.

. La condamne aux dépens d’appel, en ce compris les frais de constat de l’Agence pour la Protection des Programmes, et accorde à la SCP Fievet Lafond, avoués, le bénéfice de l’article 699 du ncpc.

. Rejette toutes autres demandes comme étant non fondées ou sans objet.

La cour : Alain Raffejeaud (président), Mme Valantin et M. Chapelle (conseillers)

Avocats : Me Alexandra Neri, Me Fabre, Me Chauveau

 

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